Pour lire le début de l’article, cliquer ici
Des acteurs et des principes
Les travaux collectifs entre le Port autonome de Paris, le service départemental de l’Architecture et du Patrimoine et la Ville de Paris ont révélé les grands principes qui président aux projets :
- Le Port de Paris assure une exploitation de l’espace ; sa fonction cependant ne se réduit pas à ce rôle d’aménageur ; il accompagne la grande mutation de l’utilisation des berges en menant une réflexion sur l’utilisation des ports parisiens et les fonctions liées à la voie d’eau ; un débat de fond s’est institué sur chaque site pour accroître la qualité des aménagements et pour engager les amodiataires à participer à cette démarche. Tenu par un bilan comptable de ses opérations, le Port de Paris porte une dynamique d’exploitation qui se traduit non seulement par une animation accrue de l’espace, mais aussi par la prise en charge des aménagements, ce qui garantit, avec Voies navigables de France, une gestion cohérente du territoire au delà du seul site parisien.
- La Ville de Paris s’est attachée à ouvrir les ports aux Parisiens, en déterminant au POS de Paris l’affectation de tous les ports centraux à l’animation-loisirs ; cette disposition est devenue exclusive : la Ville a obtenu, en dix ans, le transfert des installations industrielles des ports de Grenelle, Javel, Bercy et de la Gare vers d’autres lieux. L’objectif de continuité des espaces, soit en linéaire dans le fil du fleuve, soit en profondeur des quartiers à la Seine est clairement affirmé et préside les choix d’aménagements. Les orientations esthétiques promues par la Ville se réfèrent essentiellement à la continuité des formes et matériaux traditionnels.
- Le Service départemental de l’architecture intervient au titre des abords des monuments historiques, au titre du site inscrit de Paris et du secteur sauvegardé du VIIe arrondissement. Son intervention vise à préserver le caractère patrimonial des berges tout en accompagnant le processus moderne de l’évolution de l’espace. Le Service départemental de l’architecture reste assez sensible à la composante historique et paysagère du patrimoine industriel, lorsqu’il s’agit de l’utilisation des berges, en jugeant parfois que certaines installations fonctionnelles contribuent à plus de monumentalité que les aménagements pour l’animation/loisirs et s’inscrivent mieux dans l’histoire des lieux.
De ce débat permanent où chaque niveau de compétence s’affirme, émerge le nouveau paysage des berges de Seine : la continuité de la promenade piétonne est en cours de réalisation, la majorité de l’espace portuaire affecté à l’animation/loisirs est dégagée des activités industrielles et commerciales. Parmi les éléments du débat de fond sur l’activité portuaire, un certain nombre de fonctions vitales pour Paris doivent être intégrées au site : le maintien de fonctions de proximité, alimentées et déblayées par voie d’eau (postes de transit, décharge de matériaux inertes, livraison de matériaux). Ces données peuvent déplaire aux promeneurs et aux riverains mais, a contrario, sont susceptibles de réduire le trafic routier dans Paris et de répondre aux exigences de la loi sur l’Air. La cohabitation du promeneur et de l’exploitation portuaire reste encore à concevoir.
Jusqu’en 1985, les réflexions d’aménagements menées par le Port restaient d’ordre technique et fonctionnel pour l’essentiel. Depuis, les directeurs successifs ont inculqué à l’institution une pratique du projet architectural et paysager qui facilite la concertation avec la Ville de Paris et le Service départemental de l’architecture et du patrimoine et se traduit aujourd’hui par des opérations exemplaires.
Des méthodes de travail
Sur Paris, outre deux architectes du Port, un architecte-conseil et des concepteurs indépendants, apportent leur contribution sur chaque port. D’autre part, chaque approche thématique ou opération spécifique permet de privilégier la création dans tous les domaines.
En matière d’espace public, on sait combien le concours d’architecture et de paysage est difficile à mener : paver de manière uniforme un quai, jouer subtilement avec l’organisation des fonctions ne relèvent pas de l’acte “solitaire” du concours. Pour ces projets sans façades, l’élaboration concertée est plus constructive que le choix d’un parti, sauf exception. Aussi, le Port procède-t-il au choix des architectes et des paysagistes, plus sur leurs références et au cours d’entretiens, que sur concours d’architecture. La maîtrise d’œuvre des travaux est assurée dans bien des cas par le bureau d’étude intégré au port, dont les ingénieurs sont rodés au travail d’équipe. Le concours est mis en pratique de manière traditionnelle pour les projets d’architecture ; il arrive que le Port demande aux exploitants privés de procéder, eux-mêmes, à des concours pour les futurs projets sur le domaine public.
Enfin, dans certains cas, l’évolution des sites se fait au coup par coup à titre expérimental, dans l’attente d’un aménagement plus ambitieux et global à terme.
C’est le cas du port de la Gare, où le document de programmation avait déterminé un port “culturel”, au droit de la Grande bibliothèque. Ce quai à été surélevé au milieu du XXe siècle, encaissant un peu trop les péniches d’animation-loisirs dans le fleuve. Divers projets pour un port amphithéatre tourné vers la Seine avaient été suggérés ; dans l’attente d’un projet d’ensemble, le Port a regroupé sur le linéaire de quais les cafés théâtres et musiques. Le décollage économique du site suppose actuellement l’acceptation d’un dispositif foisonnant et spontané mêlant bateaux, enseignes, terrasses, parking et mobilier. Cette démarche renoue avec le caractère portuaire traditionnel, “l’anarchie ordonnée”. On peut en tirer quelques leçons sur le rapport entre la planification et le développement économique, des questions de fond pour le métier d’urbaniste…
Bernard WAGON
Architecte, urbaniste conseil auprès du Port autonome de Paris